Séance de côtes, l'incontournable
Sous un soleil de feu, sur la route qui serpente ou à
travers les vignes, dans un silence où seuls les battements de mon cœur résonnent
à mes oreilles, je me vois encore enchaîner les montées. Cet été durant la prépa
marathon, je me suis familiarisée avec la terrible séance de côtes. Si
difficile et pourtant… qu’est-ce que je l’aimais. Le cœur qui tambourine et les
cuisses enflammées, finir au mental et repousser toujours plus loin ses
limites : ces sensations finalement, on finit par les apprécier.
On connaît le fractionné classique sur piste ou sur route, et l’on démontre sans cesse ses bienfaits. Mais quoi de mieux que de parler séance de côtes pour honorer le nom de ce blog ? Au-delà de ses multiples résultats sur la performance, elle agit profondément sur la force mentale. Il s’agit de la séance idéale pour sortir de sa zone de confort, pousser le corps à s’adapter, et ainsi progresser de manière significative. A force d’enchaîner les côtes, elles ne sont plus si impressionnantes, quoique…
Soumettre le corps aux adaptations
Cela va de soi, mais pour que le corps s’adapte, il doit sortir de sa zone de confort. On le fait d'ailleurs au quotidien. Une chose est sûre, la force de l’être humain est sa capacité à s’adapter. Dans l’exercice de fractionné en côte, le corps se soumet d’abord aux adaptations neuromusculaires. Ici les muscles recrutent le plus de fibres musculaires possibles en même temps, afin de garder une puissance et une rapidité qualitatives. On reconnaît également l’action majeure du cerveau sur les muscles, puisqu’il commande le mouvement à travers l’envoi de messages nerveux.
Viennent
ensuite les adaptations musculaires, tendineuses et articulaires. En vue des
appuis puissants au sol, la contrainte mécanique exercée sur l’ensemble des muscles,
tendons et articulations est immense. Le corps crée de nouvelles fibres
musculaires tout en renforçant les fibres déjà existantes.
Enfin,
les adaptations physiologiques. En jargon, on parle de travail au niveau de la
filière aérobie et au niveau de la puissance anaérobie lactique. L’aérobie,
relative à l’endurance active, signifie que le corps s’emploie de manière plus
intensive pour fournir l’énergie nécessaire au mouvement. L’anaérobie lactique
signifie que le corps en en capacité de créer un maximum d’énergie en un rien
de temps. C’est-à-dire que l’énergie, créée sans apport d’oxygène, est puisée
dans la voie anaérobie lactique. En contrepartie, le corps produit et accumule
des lactates, aussi appelés déchets ou toxines, que produit la dégradation du
glucose.
Bref,
il est intéressant de connaître toutes ces adaptations auxquelles se soumettent
nos petits corps pour comprendre dans quelle mesure la séance de côtes permet
de progresser.
Une variété de séances de côtes pour s’améliorer
De
manière générale, plus une séance de côtes est courte, plus elle est intense.
Par exemple, elle peut ressembler à l’enchaînement de 8 à 12 répétitions de 30
secondes à 1 minute, où l’on se rapproche des 90-95 % de la VMA. On frôle ici
l’effort maximum. Dans l’endurance de force, on ne travaille pas en sprint mais
à une allure très rapide. La différence entre ces deux-là est subtile, mais à
allure très rapide, le corps garde une réserve qui lui permet d’avoir une
foulée toujours aussi efficace.
Deux
types de séances de côtes se distinguent donc : la séance
« intense » et la séance « longue ». La première comprend
une intensité assez élevée sur un court temps d’effort. Une montée à la fois
raide et courte (200 m maximum) fait l’affaire. La seconde s’effectue sur une
pente moins raide mais plus longue, à intensité marathon généralement.
La
côte idéale se situe entre 4 et 6 % d’inclinaison. Elle ne doit ni être un
« mur » ni une route en faux plat. En récupération, on redescend
simplement la côte en footing lent, sur deux fois le temps d’effort.
Anatomie d’une séance de côtes
La préparation mentale d’avant-séance
Chaque séance de qualité demande souvent un gros investissement mental. Dans mon cas, le jour d’une séance de côtes, je me prépare mentalement à fournir le maximum de mon énergie. C’est le genre de séance qu’on ne veut pas bâcler ni rater. On ne part jamais « à l’arrache » sur ce type de séance. Il faut se sentir à la fois suffisamment reposé, à l’aise dans ses vêtements, les lacets serrés comme il faut, le mental apaisé.
Chauffer les muscles
Un
footing doux, des gammes et étirements dynamiques, quelques accélérations
progressives : l’essentiel d’un bon échauffement. Les côtes exploitent les
muscles au maximum de leur potentiel, comme les tendons et articulations.
S’échauffer, on ne le dira jamais assez, prévient aussi des blessures et pousse
doucement le corps dans l’effort.
Se lancer
C’est
peut-être à ce moment que l’appréhension est la plus forte. Je me revois ces
matins d’été, terminer le footing d’échauffement de 20 minutes jusqu'à, enfin, me retrouver face à la côte. A chaque fois, je ressens cette excitation et cette légère peur. C’est bête pourtant, il n’y a pas d’enjeu. Mais c’est toujours un petit
défi de chaque semaine. Sentir la progression est une
grande source de motivation et de fierté. Alors je m’élance, et la première paraît si facile. C’est encore un peu l’échauffement et l’on y va toujours un
peu fort au début. Toujours la même erreur, plutôt naturelle finalement, pour
voir si les jambes répondent bien. Et puis tout commence vraiment.
La souffrance du milieu de séance
Le
cœur de la séance. Là, ça commence à piquer et tu commences à trouver les
répétitions de plus en plus dures. Il fait chaud, le cœur bondit, les mains sur
tes cuisses toutes raides, tu t’arrêtes en haut et tu souffles comme un
sanglier, puis tu repars en descente avec cette allure d’enfant fatigué qui
traîne les pieds. Souffler une dernière fois, une main passée
sur le front. Tu te retournes et tu la vois presque plus longue et plus
impressionnante à chaque fois. La tête tourne un peu, comme une sensation
d’étourdissement. On dit que c’est le sang qui circule, et dans ces moments tu
as juste envie d’insulter le type qui a sorti cette phrase. Mais celle-ci
aussi, tu vas la réussir. Tu es dans le dur et le mental prend le relais. Il
est très, très fort ce mental. Il t’emmène au bout de la séance.
Dernière côte
Sans doute la plus facile et la plus difficile à la fois. Facile parce que c’est la dernière, difficile parce que les muscles sont fatigués des fractions précédentes. Pourtant la souffrance change de dimension, c’est comme les derniers kilomètres d’une course, tu te dépasses. Les cuisses ne sont plus que des parpaings mais c’est tellement bon cette sensation d’accomplissement.
Un mental d’acier
Le
monde scientifique le prouve, le cerveau a réellement un impact considérable
sur les performances. En réalité, il semblerait que l’être humain soit plus
limité par son mental que par son physique. Sans son mental, le traileur ne
peut relancer dans une côte s’il a déjà accumulé de la fatigue avant. Bien que
son corps en soit tout à fait capable, s’il n’a pas le mental, il ne parviendra
jamais au sommet de cette côte.
Sur
ce type de séance, c’est en partie la dimension mentale que l’on travaille et que l’on
recrute. Je trouve fascinant à quel point l’être humain peut muscler son
cerveau au même titre que son corps. Si le corps est capable – et plus capable
qu’on ne le pense – de s’adapter, alors le mental est là pour le pousser
toujours plus loin. Sur une course, on peut caler dans la côte et passer par tous les états,
s’arrêter et contempler ce qu’il reste à parcourir. Mais ce jour-là, on se rappellera ces séances où le cœur était prêt à
bondir de la poitrine, on se rappellera que le meilleur outil est le mental. Il
est entraîné pour ça, il connaît le chemin.
Place à la récupération
Dans
l’exercice de fractionnée en côte, le corps appauvrit ses stocks de glycogène, brisant
par ailleurs de nombreuses fibres musculaires et générant du lactate de manière
brutale. Pour ces diverses raisons, on porte une attention et un soin
particuliers à la phase de récupération. C’est le moment durant lequel le corps
entame son processus de reconstruction. Il améliore aussi ses capacités,
seulement si l’on respecte scrupuleusement les trois piliers
fondamentaux : sommeil, hydratation, sommeil.
Le principe de surcompensation est très lié à la phase de récupération. On pourrait la définir comme l’étape d’amélioration des capacités. Pour tenir sur le long terme et valider de « bons » entraînements, l’essentiel est de laisser le temps nécessaire au corps pour recharger ses batteries. La récupération doit être parfaitement achevée, sans quoi la progression liée à cette séance de côte (comme toute autre séance intense) ne peut pas avoir lieu. Pour autant, il est possible d'alterner les séances avec de simples footings en endurance fondamentale, qui participent à une récupération active.
C’est donc le signe que vous attendiez peut-être pour intégrer la séance de côtes à votre entraînement, qu’il soit focalisé sur trail ou sur route. Au-delà de toutes les adaptations auxquelles le corps se confronte, il sera en mesure de progresser de semaine en semaine tout en se renforçant. Un meilleur souffle, une meilleure vitesse et de vrais quadriceps de grimpeur, c’est ce qui vous attend.
Lola Piffero
Sources
- Blog Running Addict : Séance de côtes : ça fait du bien là où ça fait mal - Running Addict
- L'entraînement fractionné en côte : dur mais efficace ! - Running Addict
- Psychologie d'un entraînement en côte - Running Addict
- Surcompensation en course à pied : le principe de la progression
- Podcast Dans la Tête d'un Coureur : Séances en côtes : sont-elles vraiment indispensables ? — Dans la Tête d'un Coureur
- Livre La science de l’endurance, Dr. Fabrice KUHN et Xavier TEYCHENNE : « Sprints » (p. 285-291)
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